NICÉE (CONCILE DE)

NICÉE (CONCILE DE)
NICÉE (CONCILE DE)

Premier concile œcuménique, c’est-à-dire s’étendant à l’Église entière, le concile de Nicée (325) a été réuni par l’empereur Constantin, devenu maître de tout l’Empire, pour résoudre les problèmes qui divisaient alors les Églises d’Orient, problèmes disciplinaires et surtout problème dogmatique, celui de l’hérésie d’Arius. Sa décision la plus importante concerne la théologie trinitaire: le Fils fut déclaré «de même substance» que le Père. Si cette définition, d’abord contestée en Orient, dut attendre l’empereur Théodose (380) pour s’imposer comme essentielle à l’orthodoxie, le concile de Nicée, important d’autre part par ses canons ou décisions en matière de discipline, créa un précédent qui explique la convocation des conciles œcuméniques ultérieurs et, jusque dans les détails, la procédure qu’ils suivront.

Constantin et le concile

Après sa victoire sur Licinius (sept. 324), Constantin achève d’étendre sa domination à tout l’Empire romain en annexant les provinces orientales; il y trouve les Églises chrétiennes profondément divisées sur des questions de discipline ecclésiastique, comme la fixation de la date de Pâques, par l’existence en Égypte du schisme mélétien, séquelle de la grande persécution de Dioclétien, et surtout par les contestations entre partisans et adversaires d’Arius; ce prêtre d’Alexandrie avait été condamné quelques années ou quelques mois plus tôt par son évêque Alexandre pour sa doctrine subordinatianiste, mais était soutenu par bon nombre de théologiens faisant autorité, évêques en Palestine ou en Asie Mineure.

Déjà sans doute sinon converti, du moins favorable au christianisme, Constantin se préoccupa de rétablir la paix et l’unité de l’Église; il envoya son conseiller ecclésiastique, l’évêque espagnol Ossius de Cordoue, enquêter sur la situation à Alexandrie. Vu l’intensité de la querelle, il lui parut nécessaire de convoquer un concile œcuménique, rassemblant non plus seulement comme les conciles précédents les évêques d’une province ou d’une région, mais ceux de l’ensemble de la chrétienté. Que l’idée vînt de Constantin lui-même ou qu’elle lui ait été suggérée par tel ou tel évêque, c’est l’empereur qui mit en œuvre sa réalisation: c’est lui qui convoqua les évêques, mettant à leur disposition, privilège exceptionnel, les services de la poste impériale; c’est lui qui, le 23 mai 325, ouvrit et présida le concile réuni à Nicée, près de Nicomédie, la résidence impériale (Constantinople n’étant pas encore inaugurée). On discute pour savoir quel a été le rôle effectif de Constantin au cours des débats, soit qu’il y ait pris une part personnelle et active, soit qu’il ait attendu que les évêques aient tranché des questions dépassant sa compétence.

Ce concile réunit plus de deux cents évêques: le nombre exact n’en est pas connu; le chiffre de 318, qui deviendra traditionnel, fut choisi plus tard pour sa valeur symbolique (en référence au chiffre de la maison d’Abraham: Genèse, XIV, 14); les listes des participants qui nous ont été transmises semblent avoir été reconstituées après coup, peut-être vers 362. La très grande majorité venait d’Orient (Égypte, Palestine, Syrie, Asie Mineure); les Occidentaux étaient très peu nombreux: la Gaule, par exemple, qui comptait pourtant déjà entre quarante et cinquante Églises n’était représentée que par l’obscur Nicasius de Die, dont la présence en Orient était peut-être accidentelle. L’éventail des tendances théologiques présentes au concile était très ouvert: partisans ou amis d’Arius comme Eusèbe de Nicomédie; subordinatianistes modérés comme Eusèbe de Césarée; conservateurs timides, plus soucieux d’unité que de précision et par là hostiles à toute définition nouvelle; adversaires résolus de l’arianisme – l’évêque d’Alexandrie était accompagné de son diacre et futur successeur, Athanase –, soutenus par des extrémistes, tel Marcel d’Ancyre, qui tombaient, consciemment ou non, dans l’erreur opposée à celle d’Arius, le sabellianisme. Cependant une quasi-unanimité s’établit pour anathématiser Arius et adopter une formule de foi, le fameux Credo de Nicée, où l’égalité absolue du Père et du Fils était exprimée par le terme grec homoousios , « consubstantiel ».

Le problème de l’arianisme

L’adoption de ce terme semble due à l’initiative personnelle d’Ossius de Cordoue, appuyée par l’empereur: suspect d’attaches hérétiques (avec les gnostiques, avec Paul de Samosate) ou d’implications trop matérielles (deux bijoux d’or sont «de même substance»), il n’était pas jusque-là utilisé en Orient pour la théologie trinitaire; l’Égypte, seule, faisait exception dans le monde grec, mais c’est que depuis Denys d’Alexandrie, dûment chapitré par le pape Denys (257), elle s’était – et elle le restera – étroitement solidarisée avec Rome. L’Occident, au contraire, était, depuis Tertullien, familier d’une expression équivalente: le Père et le Fils sont «d’une seule et même substance».

Le concile, d’autre part, s’occupa de réconcilier les schismatiques mélétiens, de généraliser pour la date de Pâques l’usage de Rome, qui fixait celle-ci après l’équinoxe de printemps. Il promulgua, par ailleurs, vingt canons, les uns cherchant à faciliter le retour dans la communion de la grande Église des partisans attardés de Novatien ou de Paul de Samosate, les autres édictant des règles de discipline ecclésiastique; certaines, théoriquement reçues, devaient cependant être souvent violées dans la pratique, ainsi l’interdiction pour un évêque ou un prêtre de se faire transférer d’une Église à une autre ou de sacrer évêque un néophyte.

Constantin prit immédiatement les mesures nécessaires pour faire connaître et appliquer ces décisions: il exila les deux seuls évêques qui étaient restés solidaires d’Arius et, bientôt après, les trois autres qui avaient retiré leurs signatures, parmi lesquels Eusèbe de Nicomédie. Le concile se sépara dans une atmosphère d’euphorie; la suite des événements allait montrer que le problème principal, celui de l’arianisme, était cependant loin d’être résolu. Un très grand nombre des évêques d’Orient n’avaient accepté le «consubstantiel» qu’avec répugnance, le trouvant équivoque: ils étaient beaucoup moins sensibles au danger de l’arianisme (dans la ligne d’Origène, ils étaient même assez disposés à accepter un certain subordinatianisme) qu’à l’hérésie opposée, celle que représentait à leurs yeux Marcel d’Ancyre et que l’homoousios paraissait tolérer. En fait, les discussions continueront avec âpreté pendant un demi-siècle; il faut attendre l’avènement de Théodose, un Latin d’Espagne, donc partisan convaincu de l’homoousios , pour que la foi de Nicée s’impose définitivement à tout l’Empire comme définition de l’orthodoxie trinitaire (380).

L’importance historique du concile

L’importance historique du concile de Nicée tient, au moins autant qu’à cette définition dogmatique, aux précédents qu’il avait créés: ainsi, la notion même du concile œcuménique comme moyen de résoudre les problèmes doctrinaux et disciplinaires intéressant l’ensemble de l’Église; même lorsque, en réaction contre les excès du conciliarisme des conciles de Constance (1414-1418) et de Bâle (1431-1437), la papauté fut amenée à faire prévaloir la suprématie du siège de Rome, l’Église elle-même a continué à estimer nécessaire la convocation d’un tel concile, comme l’atteste l’exemple du concile de Trente et des deux conciles du Vatican.

Passant outre aux scrupules des «conservateurs» qui refusaient le terme de consubstantiel parce qu’on ne le trouvait pas dans l’Écriture sainte, le concile consacrait la fécondité de l’effort proprement théologique et reconnaissait à l’Église le droit de préciser le contenu de la foi chrétienne par une définition dogmatique consacrant le progrès réalisé dans l’explication du donné révélé.

Dans le détail, la technique même des conciles œcuméniques a suivi l’exemple de Nicée: le fait que le pape Silvestre n’y soit pas intervenu personnellement mais s’y soit fait représenter par deux prêtres romains explique que ce soit toujours par l’intermédiaire de légats que Rome soit présente dans les conciles œcuméniques ultérieurs, même lorsque, à l’époque médiévale et moderne, ils seront convoqués sur l’initiative du pape lui-même.

C’est Constantin, et non une autorité ecclésiastique qui a convoqué et dirigé le concile de Nicée; il en sera de même aussi longtemps que durera l’Empire chrétien: Théodose convoquera le deuxième concile œcuménique (Constantinople, 381), Théodose II le troisième (Éphèse, 431), Marcien (et Pulchérie) le quatrième (Chalcédoine, 451), Justinien le cinquième (Constantinople II, 553), etc. Il ne faut pas parler à ce propos de césaropapisme: chrétien lui-même, l’empereur se sent chargé non seulement d’assurer le bien temporel mais aussi le salut même de ses sujets; nouveau Moïse, nouveau David, il se sent responsable devant Dieu de ce nouvel Israël, de ce peuple de Dieu qu’est l’Église. D’ailleurs, même sur le plan purement politique, il ne pouvait se désintéresser des problèmes de foi. À cette époque où le problème religieux est devenu le problème central de l’existence humaine, l’unanimité en matière de foi apparaît comme le principe essentiel qui assure la cohésion de la société: l’hérésie ou le schisme mettent en danger l’unité même de l’Empire.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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